dimanche 16 septembre 2012

Fiche de lecture : Pour une théorie du versatile, Mark Vrieberg, 1877

“Du versatile, en veux-tu, en voilà.” Ainsi commence l'ouvrage, décidément placé sous le signe de la plaisanterie, sinon de la raillerie. De la raillerie en veux-tu en voilà tu vas en manger, semble nous dire l'auteur. Et pourtant.

Et pourtant, ce n'est pas à une simple analyse de journaleux – comme Mark Vrieberg se définissait lui-même avec une fausse modestie de dandy1 – qu'il faut s'attendre, mais à une véritable exégèse.

Sous couvert de rigolade, l'auteur formalise le concept du versatile, énonce et détaille ses effets sur la condition de l'individu et de ses interactions aux autres. Il s'agit dans un premier temps d'établir les outils de la compréhension du phénomène versatile, de parvenir à appréhender ses champs d'application, des plus subjectifs, philosophiques et métaphysiques, aux plus quantifiables, pataphysiques, économiques et politico-objectifs.

Mais l'innovation principale se situe ailleurs, au niveau de la hiérarchie des valeurs. C'est cette notion que Mark Vrieberg souhaite étendre pour les besoins de sa démonstration, et à laquelle il attribue deux dimensions, authentique et affective. Il déplace ensuite le versatile sur ce nouveau plan, et en dessine plusieurs formes, dont les images, reproduites sur le carnet de gravures qui accompagne le l'ouvrage, issues du travail de recherche de Mark Vrieberg et obtenues à l'aide d'un outil métamorphique qu'il a lui-même développé, transcendent leur propre signification.

L'étude de ces gravures permet de renouveler la formulation de certaines questions qui sont clés dans l'observation du versatile. La nature changeante de l'homme y est abordée sous l'angle du mouvement, et le mouvement superposé à la concaténation des instants. Je ne vous dirai pas le fin mot de l'histoire, ça gâcherait votre appétit.

Retenons là un livre captivant à mettre bien en vue dans sa bibliothèque, et au moins à ne pas perdre car y figure également, en filigrane sur deux pages dont je ne vous dirai pas le numéro (un peu de suspense en veux-tu en voilà), deux recettes fameuses qui ma foi valent la peine d'être mises à l'épreuve du palais, un livre captivant donc, dont l'esprit élégant-marrant ne sacrifie en rien –de rien du tout – la pertinence des idées et la puissance des concepts qui s'y exposent.


1. Mark Vrieberg avait l'habitude de finir certains de ses articles par un retentissant “Ich bin ein Zeitungsfritze, zum Teufel !” qui ne manquait pas de faire sourrire ses lecteurs.

Aucun commentaire: